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Le Divan Fumoir Bohémien
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7 juin 2007

Les volubilis d'Adolfo Baldizzi

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Ce bac à fleurs  de chez Polux semble juste une récupération vintage d'une ancienne boîte à cream cheese. Mais ce sont ces boîtes mêmes qui furent distribuées parmi les aides alimentaires du Home Relief Bureau pendant la Grande dépression. Faire pousser des plantes dedans, ce sont d'abord des hommes comme Adolfo Baldizzi qui en ont eu l'idée. Locataire , avec sa femme et ses deux enfants, d'un minuscule deux pièces dans un immeuble de rapport du  Lower East Side, il eut ce geste poétique de planter des volubilis pour décorer les fenêtres de son foyer en pleine tourmente sociale et économique. Aurait-il pu imaginer que son invention, quelque soixante-dix ans plus tard, serait récupérée par un fleuriste à la mode et vendue à une somme qui lui aurait permis de nourrir sa famille pendant presque un mois ?

Mais aurait-on connu l'histoire d'Adolfo Baldizzi et de sa famille sans l'extraordinaire entreprise que constitue le Lower East Side Tenement Museum ? Certainement pas. Créé en 1988, ce lieu de mémoire sans pareil propose de dresser la biographie d'un immeuble, dans tous ses aspects matériels,  et de ses habitants, migrants pauvres de plusieurs générations, de sa construction en 1863 à son abandon en 1935. Sept mille personnes, originaires de près de vingt pays différents,  ont vécu au 97 Orchard Street durant cette période, avant que le propriétaire, incapable de faire face aux frais financiers  liés aux mises aux normes légales, n'expulse ses derniers habitants pour ne louer que les boutiques. Trouver un tel tenement fut une gageure pour les fondateurs du musée, car ils avaient pour la plupart été rasés, rénovés ou n'étaient pas assez anciens pour prendre en compte les vagues de migrations successives. Mais quand ils entrèrent pour la première fois au 97, ils découvrirent des meubles et des objets laissés intacts depuis plus d'un demi-siècle dans les appartements à l'abandon. Depuis, cinq appartements ont été reconstitués, à l'aide d'archives et de récits oraux recueillis auprès des descendants : celui des Gumpertz,  arrivés  de Prusse dans les années 1860, celui des Rogarshevsky venus de Lituanie, vers 1900, celui des Confino, sépharades de l'empire ottoman, celui des Levine de Pologne et de leur petite entreprise de couture, celui des Baldizzi partis de Sicile pour s'établir aux Etats-unis dans les années 20 ; un sixième, celui d'une famille irlandaise, les Moore, est en cours de restauration. Il ne s'agit en aucun cas de period rooms figées dans la naphtaline mais d'évocations de destins individuels, dont se dégage une grande émotion, une mise en perspective historique de la migration nourrie d'ateliers et d'animations avec les migrants d'aujourd'hui dans un quartier où la présence asiatique est de plus en plus prégnante.

C'est grâce à Angela Voulangas,  talentueuse graphiste férue d'histoire urbaine et curieuse de tout, que j'ai découvert l'existence de ce musée (elle est d'ailleurs la créatrice de la très belle maquette de l'ouvrage A Tenement Story) et je vous presse de découvrir son passionnant What is this ?.

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Aucun misérabilisme dans cette photo de Jessie Tarbox Beals
où une famille italienne pose pleine de dignité dans un tenement, à New York, 1910.


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 Les couches successives de papiers peints au 97 Orchard Street où se lisent
les usages des habitants, du propriétaire et les interventions des réformateurs sociaux



Pour GA, en souvenir d'une journée mémorable

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Commentaires
P
Ta façon d'amener le sujet, ou de l'élargir en le "kaleiodoscopant"... quoi de mieux pour parler d'un melting-pot !:-)
C
sur les murs, sur les papiers... traces du passage dans ces pièces, empreintes d'une vie de courage dans l'exil. Cela m'a beaucoup plue... comme tout ce qui touche à la maison, à l'intérieur.
B
C'est magnifique cette résonance avec la boutique de fleurs!<br /> Et ces papiers peints!... Je me rue toujours avec ravissement sur les lambeaux de vieux papiers que je rencontre dans les caves ou placards des vieilles maisons, souvent à la consternation de leurs propriétaires.
L
tu sais que tu es extraordinaire!!! ce billet est à tomber!!!!
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