La place du désordre
Au XIXe siècle, un genre mineur prend son essor : l'aquarelle d'intérieur, portraits de pièces que princes, aristocrates et bourgeois aimaient à commander en guise de memento vivi. Tout y est consigné dans le moindre détail, avec des perspectives plus ou moins adroites selon la renommée du peintre. Quelques personnages y apparaissent parfois mais la plupart du temps, c'est le vide qui semble être le sujet principal, un vide glaçant. On rêve d'y voir apparaître les pieds d'un cadavre dépassant de sous un lit pour conjurer l'ennui que ne manque pas de distiller la contemplation de ces oeuvres.
Les belles photos de désordre domestique de Marine Gobled et Aurélie Lecuyer m'ont permis toutefois de comprendre une évidence. Le strict ordonnancement qui était donné à voir n'était pas forcément un effet recherché pour les besoins de la peinture ( l'équivalent de ce que serait les photos des revues de décoration de nos jours) : le désordre n'avait tout simplement pas sa place dans ces demeures où une large domesticité veillait à ce que tout soit à sa place à tout moment, effaçant comme une ardoise magique chaque aspérité afin de maintenir le décor inchangé de jour en jour.
Dessins de la collection Eugene Thaw du Cooper-Hewitt, National Design Museum de New York : salon de musqiue de Fanny Hensel, née Mendelssohn, vers 1849, par Julius Wilhelm Helfft ; salon d'un palais florentin vers 1835 ; chambre vers 1823, par Bouilhet.