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Le Divan Fumoir Bohémien
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Le Divan Fumoir Bohémien
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14 juillet 2011

Vaudou /Vo-dun

 

 

 

 

 

canard

cheville tête

femmebeninpropper

 

 

A la fondation Cartier, Vaudou matérialise, dix ans après sa mort, le projet de Jacques Kerchache, - explorateur, collectionneur, galeriste autodidacte, pionnier de la mise en valeur des arts premiers - d'une grande exposition consacrée aux statuettes du culte vaudou dans les pays du Golfe du Bénin meurtris par l'esclavage (il n'est pas question ici de ses variantes caribéennes).

La scénographie-parcours  élaborée par Enzo Mari évoque le cheminement  même de Jacques Kerchache qui,  tout jeune homme, dans les années soixante,  s'insinua dans les profondeurs du royaume du Dahomey, laissant sa Landrover pour une pirogue quand la piste se finissait et abandonnant sa pirogue pour  pénétrer  à pied chaque jour plus avant dans les forêts sacrées, gagnant la confiance des chefs de village à force de palabres, jusqu'à être initié aux cérémonies secrètes du culte vaudou et à pouvoir emporter avec lui statues et divers objets religieux, amorce  de l 'une des  plus grandes collections au monde.

Tout est ici question du  lien entre le monde visible des vivants et le monde invisible des esprits, des manières d'entrer en relation avec des forces agissantes, de transformer des  flux d'énergie, de chercher des équilibres pour parvenir à l'apaisement des éléments, s'assurer protection et sécurité,  mettre un terme à la souffrance.

Dans le  lumineux rez de chaussée, aux portes des cases d'un village,  des bocio  (cadavre "cio" doté de pouvoirs "bo")gardiens taillés dans des branches d'arbre et des troncs , veillent sur les foyers en empêchant les mauvais esprits de s'y insinuer,  mais déjà , le corps du visiteur a été happé par un escalier où ses pas le guident irrésistiblement. Celui-ci mène dans une salle plongée dans l'obscurité où une quarantaine de cages de verre protège (des mains des visiteurs mais peut-être surtout les visiteurs eux-mêmes) des statuettes de petite taille.

Aucun cartel ne vient faire interférence entre le visiteur et l'objet. Au reste, nous n'en apprendrions pas grand chose. Leur sens ne tient pas en l'énumération de leurs composants mais à la manière dont bois, cordes, cauris, poils, plumes, ossements, argile, perle, fil de coton, lanière de cuir, végétaux, morceaux de tissus, cadenas, fers, graines, poudres, calebasses sont assemblés,  pour créer un ensemble né de la relation singulière entre le commanditaire et le féticheur qui seuls connaissent la significations de chaque élément. 

Toutes ces sculptures alchimiques appellent l'efficacité de l'action, toutes irradient d'une volonté de pouvoir sur le cours du monde.  La croûte granuleuse de sang séché dit les nombreux manipulations dont elles ont fait l'objet : paroles incantatoires, gestes du sacrifice, ligature des cordes, enfoncement des taquets dans la tête,  le cou, le bas-ventre, les jambes, fermeture des cadenas pour priver de parole, couper le souffle de vie, amenuiser la puissance sexuelle, paralyser, ou, à l'inverse protéger, assurer la fertilité, libérer. 

Point besoin d'une imagination particulière pour percevoir en elles la peur, l'effroi, la colère, la vengeance, l'attente, le désir, le besoin de se sentir protégé, pour ressentir la force dont elles ont investies au service d'une lutte pour l'existence.

Quand le visiteur aura réussi à se détacher de la fascination qu'exerce leur contemplation (dans laquelle entre pour une bonne part leur esthétisme, dimension toujours mise en avant par Kerchache), il parviendra devant une grande composition qui impose immédiatement le silence : le chariot de la mort, posé sur un bassin carré d'eau noire, étonnant attelage conduit par deux crânes de crocodile, étrangement apaisant. 

Là, on approche un aspect du vaudou bien loin de clichés attachés à ses poupées maléfiques. Suzanne Preston Blier, professeur à Harvard, explique ainsi dans un article pour le catalogue de l'exposition : 

"Au cours de l’histoire, le terme « vaudou » a été traduit par les spécialistes de multiples façons. Toutefois, selon mes sources, il viendrait de l’expression « se reposer pour puiser de l’eau », des verbes Fon vo, « se reposer », et dun, « puiser de l’eau », signifiant qu’il est nécessaire de rester calme quelles que soient les difficultés auxquelles chacun peut être confronté1. Selon la philosophie vaudou, la vie est semblable à un bassin que les êtres humains découvrent dans le monde où ils sont nés. Patience et calme sont nécessaires si nous voulons tirer efficacement l’eau du bassin qui détermine notre vie, si nous voulons mener une existence qui nous comble. Au lieu de traverser la vie dans la précipitation, il nous incombe de garder notre sang-froid et de prendre le temps de « respirer ».

 

Photos de Yuji Ono

 

 

 

Exposition Vaudou- Fondation Cartier

Jusqu'au 25 septembre

(précisons que dans le très beau jardin inspiré des dessins botanique de Dürer, est installée à l'arrière du bâtiment une charmante buvette où l'on ne sert pas du sang de chèvre en guise de rafraîchissement)

 

 

 


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Commentaires
V
Les objets sont spectaculaires, mais j'ai été génée par la mise en scène que j'ai trouvé trop esthétisante. Heureusement que les films très interessants au rez de chaussée les replaçaient dans leur contexte.
E
Je me souviens de la très belle expo sur les masques tibétains cet hiver au musée Branly.
M
Vous rendez merveilleusement compte en effet de cet envoûtant Vaudou. J'ai été attirée moi aussi par la poupée bardée de coquillages et de plumes (3ème cliché)et par tous ces verrous fichés ici et là dans tant de fascinants objets. On ressort de cette expo avec l'envie de son propre fétiche.<br /> Bon week-end Florizelle.
C
Superbe compte rendu d'expo !
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