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Les Dix commandements de Cecil B. DeMille [ 1923 ] fut un projet proprement pharaonique qui réclama la construction du plus grand plateau de tournage de toute l'histoire du cinéma muet, dans les dunes du désert de Guadalupe en Californie : 2 500 figurants couverts de glycérine les lèvres fardées de noir, des centaines de techniciens logeaient dans 550 tentes reliées à la ville voisine par le télégraphe et par une route spécialement destinée à l'acheminement des tonnes de matériel nécessaires à l'édification des constructions monumentales égyptiennes Art Déco imaginées par Paul Iribe.
Si la mise en scène du passage de la Mer Rouge fut un morceau de bravoure technologique, la canalisation de l'énorme masse humaine que formaient figurants et acteurs exigea de DeMille des trésors d'ingéniosité psychologique. Estimant que les figurants ne mettaient pas assez d'ardeur à exprimer la crainte révérencielle que devait leur inspirer Pharaon, il eut recours à un subterfuge machiavélique : il réunit toute l'équipe pour lire un télégramme annonçant la mort de l'un des leurs - une pure invention - et demanda une minute de silence à la mémoire de cet homme qui laissait derrière lui une femme et huit enfants ; pendant ce temps, les caméras tournaient en secret.
Aujourd'hui, le décor des Dix commandements, dynamité à la fin du tournage, git sous des mètres de sable. Depuis plusieurs années, il fait l'objet de recherches archéologiques orchestrées sous le nom de Lost City.
Cecil B. DeMille avait imaginé un autre scénario : des archéologues du troisième millénaire auraient découvert ce décor enfoui en faisant l'hypothèse que la civilisation égyptienne antique s'était étendue jusqu'en Amérique.