Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Divan Fumoir Bohémien
Le Divan Fumoir Bohémien
Publicité
Archives
Le Divan Fumoir Bohémien
Newsletter
13 mai 2010

"Ma mie, priez pour moi et ne bougez de là"



louise_lit
louise_tissu
louise__pine



La suavité des bords du Cher ne prépare pas à trouver au dernier étage du château de Chenonceau cette pièce entièrement noire.   La chambre de Louise de Lorraine, même reconstituée par le zèle kitsch de Mme Pelouze, impressionne.



louise_eleveclouetlouise_eleveclouet2





Veuve d'Henri III, elle fut l'une des dernières reines de France à prendre le deuil en blanc des souveraines sans descendance. Douze années durant, de 1589 à 1601, elle s'adonna à la prière, sa chambre tendue de velours noir semé de  centaines de larmes d'argent, le plafond recouvert de lugubres symboles : cordelières de veuve, couronnes d'épines, pelles et pioches de fossoyeur, crânes, plumes - pennes -  figurant les peines ; la chapelle, ornée d'un tableau du Christ à l'agonie,  constamment aménagée pour une messe funèbre. Partout le lambda de Louise et le H de Henri entrelacés, écho de la devise "Mihi, sed in sepulchro", mien mais dans la tombe.

Ce faisant, Louise ne faisait qu'outrer la coutume qui voulait que les veuves royales restent recluses quarante jours, et les quinze premiers dans une chambre close drapée de noir à la lumière de cierges allumés jour et nuit. Elle se coulait aussi dans les formes dramatisées de dévotion que son défunt époux affectionnait, lui, qui en cette période d'extrême violence, cherchait le réconfort dans une spiritualité macabre dont les magnifiques reliures destinées à  la  Compagnie des confrères de la mort témoignent.


livre_d_heures



La chambre dit la douleur de l'épouse mais aussi le dénuement des veuves royales sans enfants, sans plus d'appui à la cour, contraintes de négocier régulièrement leur douaire, parfois renvoyées là d'où elles venaient.

Dans Sous bénéfice d'inventaire, Marguerite Yourcenar se plaît à voir une Louise presque heureuse. "A décrire ces années d'absorption  dans le souvenir d'un mort comme un romantique et stérile cauchemar, on risque d'oublier la pieuse confiance de la reine en l'efficacité de la prière, son constant effort pour secourir Henri dans l'autre monde. A genoux  dans son oratoire, ankylosée par l'humidité qui monte de la rivière, Louise, à Chenonceau, faisait preuve du même dévouement  tout simple qu'une femme soignant jusqu'à l'épuisement un malade aimé.  Ce n'était pas à un poétique fantôme que Louise consacrait sa vie, mais à une âme". "On peut l'imaginer ouvrant un de ses beaux coffrets aux ferrures compliquées, relisant peut-être une fois de plus le message du roi :" Ma mie....ne bougez de là...". Il ne lui avait jamais écrit  avec son propre sang comme à Marie de Clèves , mais le dernier billet avait été pour elle."

 



Publicité
Publicité
Commentaires
R
i love the hinges on that antique book! lovely! great blog thanks for sharing :)
F
Citez-moi une seule reine qui n'ait pas eu une vie douloureuse ? Il n'y a que dans les contes de fées qu'on raconte aux enfants que les reines et les princesses ont une vie de rêves, raison de plus pour avoir la nostalgie une fois devenus grands...<br /> Tout de même cette chambre noire n'est-elle pas un peu lugubre ?<br /> Amitiés de Fine.
L
Un de mes châteaux préférés dans la vallée de la Loire. Est-il toujours aussi joliment fleuri à l'intérieur, malgré le départ de la très talentueuse Annie Lasnier?
V
passionnant et original comme toujours ton blog...<br /> val
L
A la visite de cette chambre, ma Louise, 10 ans à l'époque, fut fort impressionnée, et exprima le voeu d'en avoir une toute pareille. Pas de bonne fée cachée dans les entrelacs argentés des murs pour l'exaucer, hélas.
Publicité