Les douze heures noires
Descente de police par Henri-Joseph Van Blarenberghe (1750-1826)
Le linge sèche aux fenêtres, dans l'obscurité presque totale. Le peintre a chassé de sa scène l'éclairage public pour concentrer le scintillement des chandelles domestiques et le halo des torches sur les infortunés, brutalement arrêtés. Ceux qui regardent sont sans doute ceux-là mêmes qui les ont dénoncés, quelques instants auparavant. Couvre-feu, martélement militaire du pavé , "Qui vive ? ", guet statique de la sentinelle, patrouille hésitante, mouchards et police occulte seront progressivement remplacés par une surveillance professionnalisée et plus ostensible, organisée sur le modèle du quadrillage, gouvernée par une arithmétique qu'on pense capable de soumettre l'ombre, comme le souligne Simone Delattre dans son magnifique ouvrage consacré à la nuit à Paris au XIXe siècle, Les Douze heures noires. Mais l'"ancien régime nocturne" perdure sous la Restauration. Les porte-falots (porteurs de lanternes) viennent encore trouer de leur flamme mobile la pénombre des rues faiblement éclairées à l'huile. "Les reverbères n'ont jamais répandu autour d'eux une lumière vive et franche ; leur flamme vacillante était souvent tourmentée par le vent, qui trouvait le moyen de pénétrer par des fentes entre les carreaux mal joints de la lanterne ; au-dessous du reverbère, une lumière rougeâtre attristait les objets sans permettre de bien les distinguer ; puis, à quelque pas, l'ombre était plus épaisse et ténébreuse encore", écrira Maxime Du Camp.