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Le Divan Fumoir Bohémien
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Le Divan Fumoir Bohémien
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30 octobre 2010

Se pâmer dans l'onde



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" 'La peinture est une île dont je n'ai fait que côtoyer les bords' proclamait Jean-Baptiste Chardin au soir de sa vie. Cette formule toute-puissante d'humilité, mais aussi de laborieuse obstination, illustre ici sur le mode retourné de l'écho, le sentiment dont est irrésistiblement saisi le visiteur de l'Orangerie des Tuileries dès lors qu'il pénètre dans les salles oblongues qui abritent les Grandes Décorations de Monet. Le format même de celles-ci proche d'une ellipse à double foyer, participe à produire  cette étrange sensation d'une précipitation au-delà d'une espace reconnu et repéré. Tout est ici ménagé  pour faire perdre au regard ses habitudes, jusqu'à cette façon qu'a le peintre de cadrer chacun de ses plans sans que rien ne les appuie, ni la moindre bordure, ni le moindre horizon. Si chaque panneau est l'expression extrême de l'idée de fragment, il est paradoxalement l'image accomplie d'une totalité et l'on ne peut l'aborder sans en être envahi, sans y être immergé - et brutalement. De fait, Monet ne nous laisse pas le choix : sa peinture nous déborde aussitôt qu'on y entre. Il y confond délibérément les images de reflets et de nuages, les chutes serpentines des saules avec les ondoiements de plantes aquatiques. Quelque chose est à l'œuvre dans ces décorations peintes qui mêle indistinctement l'ordre et le chaos, le nord et le sud, l'est et l'ouest, comme s'il s'agissait proprement de nous désorienter. [...] Les Nymphéas de l'Orangerie obligent à l'exercice d'un mouvement ininterrompu, une sorte de déambulation - voire de navigation - tant mentale que physique parce qu'ils sont le lieu d'une opération alchimique en perpétuelle action. à la surface de ses panneaux, Claude Monet a dressé la peinture comme on emplit un récipient jusqu'à ce que le contenant se substitue au contenu, l'envahisse dialectiquement pour ne plus rien laisser supposer de ce qui le supporte. Ce faisant, il y a chez Claude Monet une propension irrésistible à embrasser l'espace - au-dessus, en dessous, par devant, par derrière, bref en tout sens - de telle sorte que le corps regardant fasse partie intégrante de l'ensemble, qu'il y plonge, qu'il s'y noie, s'y confonde, s'y fonde enfin dans une sorte d'osmose.

De même que Baudelaire invite son lecteur à une Élévation :

Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,

de même Claude Monet propose à son spectateur de "se pâmer dans l'onde,"de faire une plongée à proprement parler sublime - c'est-à-dire, étymologiquement, au delà de toute frontière - au cœur flamboyant de la couleur".



Philippe Piguet. Claude Monet prospectif, les Nymphéas, une oeuvre in situ. L'échoppe, 2010.


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Commentaires
B
Je me pâme particulièrement devant la première image!
E
Superbe blog que je découvre grace à Podane, superbe promenade, à bientot.
Ö
Grâce à Pödane, je découvre ton beau et riche blog... et vais m'y promener un moment. Et je reviendrai.
T
I was just at Giverny 2 weeks ago. I'll have to try my hand at my own nympheas.
F
Couleurs du temps....<br /> Amitiés de Fine.
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