Devant le bar des Folies Bergère
Il y a des tableaux qu'on peut fort bien apprécier en reproduction. Il en est d'autres qui réclament votre présence . C'est le cas en particulier du Bar aux Folies Bergère de Manet, exposé à la Courtauld Gallery.
Vous déplaçant de droite à gauche, vous mettez quelque temps à saisir que la scène derrière la serveuse, où l'espace se répand en tous sens, (on aperçoit même en haut à gauche les jambes d'une trapéziste) n'est autre que le reflet du miroir devant lequel elle se tient. La silhouette de droite serait donc elle-même. Le réalisme interdirait pourtant que son reflet soit placé si loin d'elle et qu'il diffère de sa posture de chair et d'os. Mais surtout, l'homme à qui elle parle (avec quel regard) devrait occuper votre place même. Ou bien devez-vous croire que deux états chronologiques successifs ont été peints en même temps ? Vous voici perdu devant cet espace tout autre qu'est le tableau, chancelant après cette expérience physique rare.