bleu hivernal tendre et cravates américaines
"Voilà par exemple un film en Cinémascope et Technicolor qui développe une véritable phobie de l’espace et de la polychromie. Sans cesse des panneaux coulissants rétrécissent le cadre et la couleur est interrompue par des filtres qui imposent une série de dominantes : rouge, doré, bleu… Truffaut l’avait vu parce que cela crève les yeux : l’histoire «vraie» de Lola Montès, aventurière qui finira sa vie en racontant son destin «fabuleux» dans un cirque américain, est constamment empêchée. Par des tulles, des voiles, des mousselines, des dentelles, des paravents, des grilles et même, plan suprême dans la roulotte-mobil home de Lola, par le tuyau d’un poêle qui tranche l’image en deux. C’est une scène sidérante où pendant le long dialogue entre Lola et un de ses amants, le visage de l’actrice (Martine Carol) est littéralement barré. De même pour les dialogues parasités par d’autres paroles, d’autres sons et bruits, au point qu’ils sont parfois inaudibles. Ophuls, à cet égard, faisait phosphorer la stéréophonie alors naissante, lui donnant un quasi-relief en 3D. A l’horizon de son projet, Lola Montès pourrait être un film tourné derrière un mur, un film qui se contenterait de deviner l’action et de tendre l’oreille à sa rumeur. Comme Bresson qui voulait filmer le déluge biblique du point de vue des empreintes laissées dans la boue par les animaux de l’Arche."
Extrait du bel article de Gérard Lefort , "Lola de l'au-delà" ( Libération, 3 décembre 2008 ) paru à l'occasion de la sortie en salle de la version restaurée de Lola Montès, éblouissement de tous les instants.
Encore dans quelques salles à Paris et en province
Indications chromatiques du scénario de Max Ophuls