Humanité fossile
Cela faisait longtemps que ce bâtiment, coincé entre la Salpetrière et la Maison de repos des gardiens de la paix, m' intriguait mais je n'avais jamais eu vraiment le courage de descendre du bus pour le voir de près : le boulevard Saint Marcel distille une implacable mélancolie.
Vendredi, le soleil d'automne m'a poussée en sa direction. Et quel régal m'attendait : l'Institut de paléontologie humaine est un mélange à nul autre pareil de solennité et de fantaisie, tout à la fois monument à la science en action et rêverie sur les origines de l'homme, ensemble rigoureux et collection de détails baroques (des montants de fenêtre aux ferronneries).
Fondé en 1910 par le prince Albert Ier de Monaco, passionné de science et d'archéologie, il fut la première structure scientifique entièrement vouée à la recherche en préhistoire et marqua un tournant majeur dans la professionnalisation des archéologues.
Sa réalisation fut confiée à Emmanuel Pontremoli, dont la passion pour l'archéologie fut constamment nourrie au-delà de son grand prix de Rome. Architecte du Muséum d'histoire naturelle, il venait d'achever la Villa Kerylos quand il s'attela au chantier de la rue Panhard. Le prince souhaitait que " son nouvel institut ait des dehors séduisants, d'une très haute tenue
artistique et révélant, dès l'abord, par le choix des motifs
décoratifs, tout l'intérêt des études qui doivent y être poursuivies". Pontremoli fit appel au sculpteur Constant Roux pour réaliser toute l'ornementation de pierre, dont la pièce maîtresse est une frise de quatre vingts centimètres de hauteur courant sur toute la façade. Un résumé de l'histoire de l'homme (et un précipité des conceptions raciales de l'époque) représentant « les derniers reliquats des humanités primitives » en
grandeur naturelle : Aruntas d'Australie, Fuégiens, Négritos des îles
Andamans, Eskimos et « peuples nègres ».
Quelle pièce fut secrètement destinée aux savants fous chers à Tardi ? L'histoire ne le dit pas.
Institut de paléontologie humaine,
21 boulevard Saint-Marcel -1 rue René Panhard,
Paris XIIIe