Paris en images
Ces photos et des milliers d'autres sont visibles sur le site expérimental Paris en images,
élaboré par le Ville de Paris et France Télécom, en collaboration avec
l'agence Roger-Viollet. Un moteur de recherche permet de
distinguer date, lieu, personnalité, mot clé. Une rubrique dans la
catégorie "Au fil du temps" invite en outre à découvrir l'histoire
d'un quartier commenté par un historien ou un urbaniste.
Il intègre par ailleurs un intéressant projet lancé avec une classe de CM1 d'une école du 20e arrondissement de Paris durant l’année scolaire 2005-2006. Les vingt-cinq élèves ont photographié dans les mêmes conditions de prise de vue (cadrage, distance par rapport au sujet) des lieux de leur quartier et ses environs figurant sur des clichés du début du XXe siècle pour confronter ensuite les deux images, y repérer les disparitions, les mutations, les apparitions, à la manière des recherches obsessionnelles de Leonard Pitt sur Paris disparu. En parallèle, ils ont pris des photos de leur quartier semaine après semaine, pour y déceler les minuscules changements dont il a été le théâtre, rappelant les tentatives d'épuisement d'un lieu chères à Perec. Et je ne serais pas étonnée, si petits soient-ils, que leur institutrice leur ait lu cet extrait de l'Infra-ordinaire.
« Ce qui se passe chaque jour et qui
revient chaque jour, le banal, le quotidien, l'évident, le commun,
l'ordinaire, l'infra-ordinaire,le bruit de fond, l'habituel, comment en
rendre compte, comment l'interroger, comment le décrire ?
Interroger l'habituel. Mais justement nous y sommes habitués. Nous
ne l'interrogeons pas, il ne nous interroge pas, il semble ne pas
faire problème, nous le vivons sans y penser, comme s'il ne véhiculait
ni question ni réponse, comme s'il n'était porteur d'aucune
information.
Comment
parler de ces "choses communes ", comment les traquer plutôt, comment
les débusquer, les arracher à la gangue dans laquelle elles restent
engluées, comment leur donner un sens, une langue : qu'elles parlent
enfin de ce qui est, de ce que nous sommes.
Ce qu'il s'agit d'interroger, c'est la brique, le béton, le verre, nos manières de table, nos ustensiles, nos outils, nos emplois du temps, nos rythmes. Interroger ce qui semble avoir cessé à jamais de nous étonner. Nous vivons, certes, nous respirons, certes ; nous marchons, nous ouvrons des portes, nous descendons des escaliers, nous nous asseyons à une table pour manger, nous couchons dans un lit pour dormir. Comment ? Où ? Quand ? Pourquoi ?
Décrivez votre rue. Décrivez-en une autre. Comparez.
Faites l'inventaire de vos poches, de votre sac. Interrogez-vous sur la provenance, l'usage et le devenir de chacun des objets que vous en retirez.
Qu'y a-t-il sous votre papier peint ?
Combien de gestes faut-il pour composer un numéro de téléphone ? Pourquoi ?
Pourquoi ne trouve-t-on pas de cigarettes dans les épiceries ? Pourquoi pas ?
Il m'importe peu que ces questions soient, ici, fragmentaires, à peine indicatives d'une méthode, d'un projet. Il m'importe beaucoup qu'elles semblent triviales et futiles : c'est précisément ce qui les rend tout aussi, sinon plus, essentielles que tant d'autres au travers desquelles nous avons vainement tenté de capter notre vérité. »