Malle
"Michelangelo possède un carnet, un simple cahier qu'il a réalisé
lui-même, des feuilles pliées en deux retenues par une ficelle, et une
couverture de carte épaisse. Ce n'est pas un carnet de croquis, il n'y
dessine pas ; il n'y note pas non plus les vers qui lui viennent
parfois, ou les brouillons de ses lettres, encore moins ses impressions
sur les jours ou le temps qu'il fait.
Dans ce cahier taché, il consigne des trésors. Des accumulations
interminables d'objets divers, des comptes, des dépenses, des
fournitures ; des trousseaux, des menus, des mots, tout simplement.
Son carnet, c'est sa malle.
Le nom des choses leur donne la vie.
11 mai, voile latine, tourmentin, balancine, drisse, déferlage.
12 mai, garcette, cabestan, varangue, coupée, carlingue.
13 mai, étoupe, amadou, briquet, mèche, huile.
14 mai, dix petites feuilles de papier lourd et cinq grandes,trois
belles plumes, un encrier, une bouteille d'encre noire, une fiole de
rouge, mines de plomb, porte-mine, trois sanguines."
Mathias Enard. Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants. Actes Sud, 2010.
Michel-Ange. Plan en élévation, vers 1525, Bristish Museum.