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Le Divan Fumoir Bohémien
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6 septembre 2010

As if




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Le National Trust, organisme privé à but non lucratif fondé en en 1895 par trois philanthropes victoriens, gère plus de deux cents propriétés parmi les plus fameuses du Royaume-Uni et des milliers d'hectares de terrains.  Ses millions de membres contribuent à sa politique d'acquisition, totalement indépendante du gouvernement mais soutenue par une législation spécifique. Sa politique de conservation, déroutante aux yeux des Français habitués à une  conception du patrimoine public centrée sur l'État, est guidée par  un principe de préservation qui se fond dans les formes de la propriété privée. Aussi tout est-il fait  pour suggérer que les anciens propriétaires des maisons, des châteaux, des jardins sont toujours présents dans les lieux.

A Monk's House, la maison de Virginia Woolf à Rodmell, le secrétaire est ouvert avec, posés sur des coins du sous-main, des bristols de la Hogarth Press, du courrier destiné à Leonard Woolf et des images de paquets de graines, le calendrier de table soigneusement mis à jour. Tout juste s'il n'y a pas un verre d'eau  sur la table de chevet de la chambre de l'écrivain.

Dans chaque propriété, pour signifier aux visiteurs l'interdiction de s'asseoir sur les sièges, des pommes de pin et des chardons sont disposés en toute discrétion.

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A Scotney Castle, un petit écriteau explicatif inscrit la technique de conservation qui consiste à couvrir les objets de feuilles de soie pour les préserver de la poussière dans la continuité de la méthode du "putting to bed" du personnel des grandes maisons, en usage jusqu'au début du XXe siècle.


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Et quand je me suis approchée d'un surtout de table rempli de confiseries, un jeune bénévole m'a indiqué, plein d'enthousiasme : "Vous savez, ce sont des vraies".

- o O O o -

Et pourtant.

" She, who believed in no immortality, could not help feeling that her soul would come and go forever with the reds on the panels and the greens on the sofa. For the room — she had strolled into the Ambassador’s bedroom — shone like a shell that has lain at the bottom of the sea for centuries and has been crusted over and painted a million tints by the water; it was rose and yellow, green and sand-coloured. It was frail as a shell, as iridescent and as empty. No Ambassador would ever sleep there again."


"Elle, qui ne croyait pas à l'immortalité, ne pouvait s'empêcher de penser que son âme ne cesserait d'aller et venir  à tout jamais, avec les rouges des boiseries et les verts du canapé. Car la pièce - sa flânerie l'avait conduite dans la chambre de l'Ambassadeur - avait l'éclat d'un coquillage qui repose au fond de la mer depuis des siècles, caparaçonné  et peint par l'eau d'un million de nuances ; elle était rose et jaune, verte et couleur de sable. Elle était fragile comme un coquillage, aussi vide et irridescente. Plus jamais un ambassadeur ne dormirait là."


Orlando, chapitre 6.
tr. Catherine Pappo-Musard, Le livre de poche.





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Commentaires
L
Comme cette chambre est claire et légère... Je l'imaginais plus austère.
E
J'aime la fraîcheur de la chambre, les rideaux en Liberty, le vert de la bibliothèque...<br /> Bonne rentrée à toute la petite famille !
N
Quel chouette blog ! et hop dans le Rss de mon firefox<br /> bonne journée
D
J'aime assez l'idée d'une conservation qui ne soit pas centrée autour de l'Etat (même si, comme souvent en Angleterre, l'Etat est BEAUCOUP plus présent qu'il n'en a l'air : le National Trust s'apparente plus à un EPIC ou une Autorité Indépendante car un vrai organisme privé).<br /> <br /> Ce qui me gêne plus, c'est qu'on en arrive à une certaine fétichisation de la personne. Qu'est-ce qui est le plus important chez Virginia Woolf ? Ses écrits ou son cadre de vie ? Même dans le cadre de la critique ou de la compréhension de son oeuvre, je pense que le goût de la décoration de Virginia Woolf reste sans doute peu important. On peut aussi se demander ce qui est vraiment "d'elle" dans sa maison ? De quoi a-t-elle hérité ? (ce qui nous en dirait sans doute plus sur Leslie Stephen que sur elle) Sur quoi a-t-elle dû faire des compromis avec le goût de l'époque, les contraintes sociales etc.?<br /> <br /> Je comprends qu'on conserve des biens pour leurs qualités propres (je pense notamment aux salles Jeanne Lanvin au Musée des Arts Décos) ; moins pour ce qu'ils diraient éventuellement de quelqu'un.<br /> <br /> En tous les cas, merci pour ce billet fort intéressant et qui pousse à réfléchir.<br /> <br /> http://davidikus.blogspot.com/
C
magnifique article
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