Out of fashion
La coexistence en une même époque de plusieurs modes différentes, voilà ce que donne à voir cette gravure des Records of Fashion and Court Elegance de Mrs Fiske (1812). Une réalité occultée dans la plupart des ouvrages consacrés à l'histoire de la mode, trop occupés à décrire les innovations du costume et la succession des formes, un peu comme ces films historiques où les intérieurs sont tous années trente lorsque l'action se passe dans les années trente et où tous les Romains ont des franges. Au demeurant, c'est le travail des costumiers dans les adaptations des romans de Jane Austen comme Pride and Prejudice, Sense and Sensibility ou encore dans le récent Bright Star qui ont permis de rendre palpable l'étonnant mélange des silhouettes qui pouvait prévaloir à certaines époques, en l'occurrence le début du XIXe siècle.
On rêverait d'une histoire du démodé - peut-être existe-t-elle déjà - où les individus apparaîtraient ancrés dans des temporalités différentes, voire discordantes, afin de donner de la force à notre imagination du passé et faire écho à cette impression que chacun a pu ressentir d'une superposition d'époques dans le vestiaire de ses contemporains : vieilles dames chapeautées au restaurant ; fantômes de l'ère communiste, imperméable sur le dos, mallette à la main, dans le Berlin de l'après-1989.
Toutefois, avec l'avènement d'une industrie de masse de vêtements peu chers après des siècles de circulation de pièces d'occasion du haut en bas de la société et des milliers d'heures de ravaudage, le démodé a-t-il encore un sens aujourd'hui ? Qu'est-ce qui sépare la désuétude du vintage ? Les personnes âgées continueront-elles encore longtemps à figer leur garde-robe ? L'épaisseur du temps de la mode est-elle appelée à s'amenuiser ?