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Le Divan Fumoir Bohémien
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1 février 2009

Abeille en collier




p_coud


Ou comment la légèreté allusive des illustrations d'André Pécoud 

ajoute au régal du sadisme appuyé de la comtesse de Ségur

- - o O o - -




« Je vais lui couper la tête, se dit-elle, pour la punir de toutes les piqûres qu'elle a faites. »

En effet, Sophie posa l'abeille par terre en la tenant toujours à travers le mouchoir, et d'un coup de couteau elle lui coupa la tête; puis, comme elle trouva que c'était très amusant, elle continua de la couper en morceaux.

Elle était si occupée de l'abeille, qu'elle n'entendit pas entrer sa maman, qui, la voyant à genoux et presque immobile, s'approcha tout doucement pour voir ce qu'elle faisait ; elle la vit coupant la dernière patte de la pauvre abeille. Indignée de la cruauté de Sophie, Mme de Réan lui tira fortement l'oreille.

Sophie poussa un cri, se releva d'un bond et resta tremblante devant sa maman.

« Vous êtes une méchante fille, mademoiselle, vous faites souffrir cette bête malgré ce que je vous ai dit quand vous avez salé et coupé mes pauvres petits poissons.

SOPHIE.  J'ai oublié, maman, je vous assure.

MADAME DE RÉAN. · Je vous en ferai souvenir, mademoiselle, d'abord en vous ôtant votre couteau, que je ne vous  rendrai que dans un an, et puis en vous obligeant de porter à votre cou ces morceaux de l'abeille enfilés dans un ruban, jusqu'à ce qu'ils tombent en poussière.»

Sophie eut beau prier, supplier sa maman de ne pas lui faire porter l'abeille en collier, la maman appela la bonne, se fit apporter un ruban noir, enfila les morceaux de l'abeille et les attacha au cou de Sophie. Paul n'osait rien dire; il était consterné quand Sophie resta seule, sanglotant et honteuse de son collier, Paul chercha à la consoler par tous les  moyens possibles; il l'embrassait, lui demandait pardon de lui avoir dit des sottises, et voulait lui faire croire que les  couleurs jaune, orange, bleue et noire de l'abeille faisaient un très joli effet et ressemblaient à un collier de jais et de pierreries. Sophie le remercia de sa bonté, elle fut un peu consolée par l'amitié de son cousin mais elle resta très chagrine de son collier. Pendant une semaine, les morceaux de l'abeille restèrent entiers; mais enfin, un beau jour, Paul, en jouant avec elle, les écrasa si bien qu'il ne resta plus que le ruban. Il courut en prévenir sa tante, qui lui permit d'ôter le cordon noir. Ce fut ainsi que Sophie en fut débarrassée, et depuis elle ne fit jamais souffrir aucun animal."


"L'abeille", Les malheurs de Sophie, (1859)




Photo prise  sur les quais juste après l'hôtel de ville, en remontant la  Seine, chez un bouquiniste (belle tête barbue, écharpe mitée rivalisant avec les frusques  de  Miroslav Tichy ) dont la boîte recèle en ce moment de superbes manuels scolaires des années 30

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Commentaires
R
selon la biographie qui vient de paraître, on suppose que La comtesse de Ségur si peu aimée de sa mère livra ici une forme d'autobiographie.<br /> Je regrette les versions plus récentes aux dessins plus édulcorée, les versions de Pécoud étaient parfaites pour nous accompagner dans les mésaventures de Sophie.
L
La cruauté de certains parents rend certains enfants méchants. C'est le livre de l'enfance maltraitée. Je ne l'avais pas saisi de manière aussi aigue en le lisant toute petite; çà, on le comprend plus tard, et d'autant plus quand on sait que l'auteure fut maltraitée par sa mère.
M
"La cruauté, bien loin d'être un vice, est le premier sentiment qu'imprime en nous la nature ; l'enfant brise son hochet, mord le téton de sa nourrice, étrangle son oiseau, bien avant que d'avoir l'âge de raison." ( La philosophie dans le boudoir)<br /> La cruauté de Mme de Réan est plus réfléchie.
L
Je n'ai jamais fait de mal aux animaux, mais chaque bêtise que faisait Sophie m'entrait dans le coeur comme une épine. Je savais qu'elle allait se faire gronder, je voulais la prévenir mais rien à faire, cependant comme elle j'avais envie de goûter les fruits confits dans leur jolie boite, et de croquer le pain noir des chevaux. <br /> J'ai relu les malheurs de Sophie l'an dernier, et j'y ai retrouvé intactes mes émotions d'enfant, rangées dans les vieilles pages.<br /> Acheté le mois dernier un Dickens dans cette belle collection.
G
"Une autre fois, Sophie songea qu'un bain de pieds serait très utile à sa poupée, puisque les grandes personnes en prenaient. Elle versa de l'eau bouillante dans un petit seau, y plongea les pieds de la poupée, et, quand elle la retira, les pieds s'étaient fondus, et étaient dans le seau. Sophie pleura, mais la poupée resta sans jambes.<br /> <br /> Depuis tous ces malheurs, Sophie n'aimait plus sa poupée, qui était devenue affreuse, et dont ses amies se moquaient ; enfin, un dernier jour, Sophie voulut lui apprendre à grimper aux arbres ; elle la fit monter sur une branche, la fit asseoir ; mais la poupée, qui ne tenait pas bien, tomba : sa tête frappa contre des pierres et se cassa en cent morceaux. Sophie ne pleura pas, mais elle invita ses amies à venir enterrer sa poupée."<br /> Et les poissons éviscérés, et les sourcils coupés, et les pieds dans la chaux... Je me demande combien d'adorables lectrices se sont inspirées de ce livre pour occuper les longues journées d'été.
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