Archéologie du futur
"Archéologie du futur", c'est le titre qu'a choisi Li Edelkoort pour présenter à l'Institut néerlandais vingt années de travail, vingt années où elle a contribué à structurer l'activité de chasseuse de tendances, en quête des indices du futur dans le présent. L'ancienne étudiante des beaux-arts d'Arnhem est devenue une redoutable femme d'affaires, ayant transformé son flair et son goût très sûr en empire au service de l'industrie et des services, à travers la vente de cahiers de tendances, de consultations, d'expertises, de conférences et de séminaires mais aussi de revues aussi splendides que ruineuses comme Bloom ou View on Colour.
Cahier de tendances d'Imke Klee , collaboratrice de Trendunion
Bien sûr, il ne faut pas espérer avoir des précisions sur ses méthodes de travail. L'exposition est construite autour de douze thèmes (flore/ faune, rural/ urbain, âme/ corps, local/global, tribal, narration, alchimie, armure, amour, rose , robe, teddy bear mania) représentatifs des tendances lourdes des deux décennies passées, accompagnés de textes d'un tel niveau de généralité qu'ils tournent parfois à la prophétie pompeuse.
Des analyses élaborées dans le secret de son studio parisien, boulevard saint jacques, on ne saura rien. Les interviews et les textes de Li Edelkoort laissent deviner une observation fine du quotidien alliée à un décorticage conceptuel poussé. Le postulat de départ est que des domaines que nous avons tendance à considérer comme séparés doivent être pensés comme étant au contraire fortement intégrés : architecture, nouvelles technologies, urbanisme, mode, tourisme, alimentation, décoration, loisirs. Ainsi lui est-il possible de bâtir des prévisions autour des notions d'encapuchonnement (hooded) ou de sans fil (unplugged).
Dans de petites pièces ou de plus grands espaces, sont mis en scène pièces de design (avec une prédilection pour les créateurs hollandais, cela va sans dire), vêtements, livres, photographies, objets de la vie quotidienne, sculptures tels ces superbes pains, hommage de Marcia Nolte à la Venus de Willendorf ,ou les tapis aux motifs surdimensionnés de la facétieuse Kiki van Eijk.
Mais l'aspect le plus fascinant de son travail réside sans doute dans ses vidéos de présentation des tendances, diffusées sur de discrets écrans. Deux images mises côte à côte défilent sur fond musical : le regard est aimanté. Entourée des meilleurs photographes et des meilleurs graphistes, comme Anthon Beeke, elle a su, semble-t-il, tirer l'essentiel de sa force de la mise en scène de l'image.
Une double page de la revue Bloom. Photo : Philippe Munda / stylisme : Nelson Sepulveda
Romain Lienhardt. Bloom #12
jusqu'au 8 mars, à l'Institut néerlandais, 121 rue de Lille, Paris VIIe
pendant la durée de l'exposition, les numéros de Bloom anciens et nouveaux sont vendus pour la modique somme de 35 euros au lieu de 75 !