Superspy
Superspy , le beau roman graphique de Matt Kindt, si documenté soit-il, porte moins sur l'espionnage et ses enjeux stratégiques pendant la seconde guerre mondiale que sur le drame d'être espion. Ainsi tout le livre est-il organisé en dossiers individuels numérotés que le lecteur découvre un à un, dans un apparent désordre, avant de comprendre les liens qui unissent les destinées des divers personnages. Le sens historique n'est délivré que par une autre lecture, chronologique, qui oblige à des manipulations assez longues. En fait, il importe peu car ce qui fascine l'auteur et rend la lecture de son livre si prenante est cette" chose étonnante, pour qui veut y réfléchir, que tous les hommes soient constitués de façon à être les uns pour les autres un mystère impénétrable", selon la citation de Dickens choisie en guise de conclusion. Vengeance, souvenirs d'enfance, espoir d'une vie meilleure, histoire d'amour, haine, vertige d'être un autre, voilà ce dont bruissent ces micro-récits entrelacés.
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L'un des tours de force de Matt Kindt, en dehors d''effets de mise en page très réussis, est de transformer les messages secrets en image. Au lieu des traditionnelles mains tenant un bout de papier, nous assistons à des prodiges d'ingéniosité graphique, qui nourrissent l'action. L'espionnage est source de tant de surprises que je ne saurais dire s'il s'agit ou non d'inventions de la part du dessinateur.
Une femme allemande, espionnant pour les Anglais, étend son linge de telle manière que l'espacement crée des signaux morse.
Une danseuse égyptienne, éprise d'un espion, lui fait comprendre par les ondulations de ses bras et de ses hanches le danger qui la menace.
Voilà, maintenant je sais que je pourrai utiliser les ressources de ce blog, alternant billet long et billet court, pour transmettre mes comptes rendus d'activité à mon maître, le Prince Florizel.
Superspy, publié initialement par Top Shelf,
est traduit en français chez Futuropolis