Kodomo
Illustrations de Okamato Kiichi (1929) Hatsuyam Shigeru (1932), Takei Takeo (1929)
issues de la revue Kodomo no kuni, publiée de 1922 à 1949.
Quand Envol de Papillons a consacré un billet à la revue enfantine japonaise Kodomo no kuni ce fut pour moi la découverte d'un monde jusque-là totalement ignoré. Certes, on peut se figurer le Japon des années 20 déjà très urbain et moderne, imprégné par de déjà longues années de relations économiques avec l'Occident, mais je n'imaginais pas un instant qu'une telle place était déjà accordée aux enfants japonais. J'ai ainsi appris que dès années 10 leur était destinée une myriade de publications inspirées des périodiques anglo-saxons : des magazines très distincts pour les filles et pour les garçons ( Le Monde des filles, Le Club des garçons [Shonen Kurabu], ...). Les magazines féminins, en plein essor, comptaient de nombreuses pages ou suppléments spécifiquement consacrés à des histoires ou des images pour enfants. Comme on peut le constater dans le passionnant site de l'institut international de la litterature de jeunesse d'Osaka, 100 livres japonais pour les enfants (1868-1945), l'offre éditoriale était très diversifiée, même si une tendance lourde prédestinait les filles aux histoires sentimentales très tristes et les garçons aux romans patriotiques, voire militaristes. Ajoutons que les plus grands journaux comme l'Asahi Shinbun consacrèrent très tôt des espaces aux emonogatari (où les mots sont ajoutés aux images dans un cartel à part) et aux mangas (dans lesquels les mots sont intégrés dans une bulle).
Les formes étaient très variées : de l'illustration la plus traditionnelle aux livres d'artiste les plus audacieux. Et le repertoire narratif était déjà très large. En effet, dès l'ère Meiji, aux contes traditionnels de l'ère Edo s'étaient ajoutés les contes occidentaux. En 1874 fut ainsi traduite une anthologie américaine de contes de fées. A à la fin du siècle, les romans de Jules Verne furent édités en même temps que les contes d'Andersen ("Adâsen"). Dans le même temps, s'était développée une littérature proprement destinée aux enfants dont le premier exemple remonte à 1891 avec un roman écrit autour du personnage de chien, Koganemaru. Des collections enfantines furent créées dans les années 20 ainsi que des petites pièces de théâtre à jouer à la maison. Kawabata lui-même écrivit des histoires pour les enfants à la fin des années 30 (qu'il se montra par la suite réticent à voir republiées).
Dans ce fourmillement, Kodomo no kuni semble toutefois tenir une place à part. Il n'était destiné ni aux filles ni aux garçons en particulier et son accent sur l'art le mettait à l'avant-garde de l'illustration, avec un curieux mélange d'influences occidentales venues aussi bien du Bauhaus que d' Elsa Beskow ou Boutet de Montvel. Contempler les doubles pages de ses différents numéros procure un rare plaisir visuel, pour lequel je remercierai encore le joli papillon avant qu'il ne s'envole vers d'autres contrées.
Songe d'une nuit d'hiver de Koga Arue (1931)