Ouvrages de dames
Pour prendre la mesure de la répulsion que suscitaient les ouvrages de dames chez Charles Kingsley (voir infra), une plongée dans The Lady's Album of Fancy Work for 1850 s'impose. Crochet, tricot, galon, broderies, rubans sont convoqués pour créer d'innombrables fanfreluches, aussi diverses qu'inutiles : couvre tabouret de musique, cols festonnés, dessous de flacons à liqueur, tabliers, porte-montre, mitaines, couvertures d'albums, "baboches", ornements pour chandeliers, napperons, étoles, essuie-plume, couvre-gland de rideau, réticules, bourses, couverture pour prie-dieu, sachets, housses de coussin, porte-cartes, coins de mouchoir, garniture pour panier de toilette, étui à lunettes, sous-manches, étoles, bonnets, dessous de vase, dessus de pantoufles, etc. Nous est ainsi livrée cette formidable tentative des femmes de la bourgeoisie victorienne d'occuper leur trop-plein de temps libre : aucune place n'est laissée au vide, dans leurs intérieurs comme dans leurs journées.
Beaucoup de ces ouvrages étaient destinés aux ventes de charité, et c'est encore aujourd'hui à travers les ventes de paroisse et leur cortège de napperons que l'on peut saisir ce phénomène finissant, l'essor des "loisirs créatifs" appartenant à un tout autre contexte social et historique.
Dans ce tableau de 1857, The Empty Purse, James Collinson met en scène une femme à une vente de charité (bazaar). Aussi intitulé For Sale, il suggère que la femme elle-même est à vendre, au sens qu'avec le mariage, elle a fait le sacrifice de son indépendance financière et renoncé à tout droit à la propriété. Ce n'est qu'en 1882 que le Married Women's Property Act donne aux femmes mariées le droit de garder des biens qui leur sont propres. Peut-on suggérer ici que cette frénésie créative attachée au "fancy work" était une façon non seulement de meubler le temps mais aussi de s'inventer des possessions personnelles ?