Ce portrait d'un petit mendiant avec une tourte à la main est l'œuvre d'un maître anonyme du XVIIe siècle, sans doute d'Italie du Nord. En 2004, l'historienne d'art Gerlinde Gruber a pu lui rattacher un corpus de tableaux qui ont tous pour particularité de représenter des personnages pauvres vêtus d'un tissu bleu : tablier, guêtres, robe, casaque, jupon, poche.
Ce tissu n'est autre que la futaine de Gênes, une toile de coton solide et peu coûteuse, teinte à l'indigo, très répandue dans les milieux populaires à travers toute l'Europe , à tel point qu'on en trouve trace en 1614 dans les registres d'un tailleur anglais sous le nom de toile de "Geanes". Vous l'aurez sans doute compris, il s'agit ni plus ni moins du jeans, (déformation de "Gênes" au même titre que le denim vient "de Nîmes") et ce maître anonyme a pour nom : Maître de la toile de jeans. Cette découverte a mis définitivement fin à la légende selon laquelle le jeans fut inventé au XIXe siècle dans les filatures de l'Amoskeag Manufacturing Company dans le New Hampshire.
L'exposition à la galerie Canesso inscrit les œuvres de ce maître dans le contexte plus large du mouvement de la peinture de la réalité, qui de Velázquez aux frères Le Nain, a mis la représentation des miséreux en son cœur. Elle se conclut par un magnifique tableau de Giacomo Ceruti, dit Il Pitocchetto (de pitocchi, gueux) : Femme tressant de l'osier (collection Lechi, Montichiari)
Une exposition
placée sous le signe du plaisir de la représentation des accidents du
tissu, de ses usures, de ses déchirures, de ses trous, de ses plis, de
ses froissures, sorte d'éloge de l'art du peintre, toile dans la toile, le
Maître de la toile de jeans allant jusqu'à utiliser pour ses bleus le
pigment même qui servait à teindre la futaine de Gênes : l'indigo.
Il Maestro della tela jeans, galerie Canesso ; jusqu'au 6 novembre.
Catalogue disponible en ligne ici
Petit mendiant à la tourte et Femme cousant avec ses deux enfants, Galerie Canesso.