Tournages
Constance Bennett sur le tournage de Bought (Achetée) d'Archie Mayo, 1931
L'exposition "Tournages" à la Cinémathèque française force à l'imagination du passé : considérer qu'une technologie ancienne comme le cinéma a été un jour une innovation pleine d'effervescence. Ces propos de Scorsese servent d'introduction :"C’est un type de beauté et d’énergie très particulières qu’on retrouve dans les photos de tournage des premiers réalisateurs. On y découvre non seulement des artistes en plein travail, mais encore des pionniers inventant une nouvelle forme d’expression, un nouvel art. Parmi toutes les photos rassemblées avec amour dans ce livre, celles de Griffith en tournage embrasent mon imagination […]. Ces images révèlent toute l’excitation créative liée aux nouvelles technologies, une nouvelle forme artistique, et en somme, une nouvelle façon de voir, au tournant d’un nouveau siècle"
A travers quelque deux cents photographies de plateau et de tournage issues de la collection de la cinémathèque et de la collection privée de Gabriel Depierre, assistant de Roger Corbeau, de Paris à Berlin en passant par Hollywood, on découvre le cinéma en train de se faire et de prendre vie. L'exposition est présentée en catégories commodes autour de l'ingénierie du film (son, lumière, décor, etc...) plutôt que structurée autour d'une investigation historique autour de l'émergence et des usages de ce type de clichés mais pour les non-initiés dont je suis, l'émerveillement suffit.
Marlene Dietrich et Frank Borzage sur le tournage de Desire, 1936.
On apprend qu'avant qu'Hollywood ne devienne le site de l'industrie du cinéma américain, les films étaient tournés sur les toits des gratte-ciels de New-York, Chicago ou Philadelphie, puisqu'en l'absence d'éclairages artificiels suffisamment puissants (les aveuglantes lampes à arc n'étaient pas encore inventées), il fallait trouver des lieux où la lumière naturelle était très présente.
On se plaît à suivre l'évolution des décors, des toiles peintes des premiers films et perspectives en grisaille peintes à même le sol jusqu'aux gigantesques constructions éphémères des studios allemands et américains et des incroyables jeux d'échelle qu'ils suscitent, incommensurables avec ceux du théâtre. Une merveilleuse photo, malheureusement non reproduite, montre Erich von Stroheim se rafraîchir assis à côté d'une table avec dans l'arrière fond, au bas d'une longue pente herbeuse, la reconstitution grandeur nature, aux pans coupés, du casino de Monte-Carlo, décor de Richard Day et Elmer Shelly pour Foolish Wives ( Folies de femmes).
Décor de Paul Leni pour son propre film, Das Wachsfigurenkabinett (Le Cabinet des figures de cire), 1924,
Tournage de Robin des bois où Allan Dwan donne ses directives à travers un "gigaphone" aux côtés de Douglas Fairbanks
Mais surtout l'on est saisi par la mise en évidence du contraste entre le visage des comédiens des films muets et ceux non maquillés de l'équipe de tournage, comme si deux réalités hétérogènes, destinées à se fondre par une alchimie invisible, entraient en collision. Comme une scène impossible à voir.
Fritz Lang et Brigitte Helm sur le tournage de Metropolis
Tournages, jusqu'au 1er août
à la Cinémathèque française