L'art de la répétition
"La Maison qui brûle" et "La Demande en mariage", Petitpierre et Cie, vers 1785 et 1795
Les toiles de Jouy ont cette folie particulière d'introduire la narration dans les motifs tout en les répétant, comme si la même scène était forcée de se rejouer dans une mécanique infernale, condamnant les personnages à revenir chaque fois au point de départ. On sait quel parti en a tiré Harold Ramis dans son brillant Groundhog Day.
En ce moment, au Théâtre de l'Odéon, La Ronde du Carré de Dimitris Dimitriadis mise en scène par Giorgio Barberio Corsetti exploite avec virtuosité ce schéma, en introduisant variations minimes, accélérations, distorsions et violences en tous genres faites aux acteurs jusqu'à épuisement des forces du spectateur (la moitié de la salle part avant la fin).
"Le dynamisme de la “ronde” n’est donc plus celui de la joyeuse circulation d’une force en continuelle expansion et impossible à confiner, mais bien plutôt celui d’une implacable réitération. Car chaque situation évolue à son rythme, s’achève – et recommence, soumise à des reprises et à des variations qui intensifient les échanges, creusant les paroles, échangeant les rôles “jusqu’à l’épuisement final des permutations […] organiquement intégrées à l’accomplissement définitif” du thème de la pièce, note Dimitriadis dans les dernières lignes – “si l’on émet l’hypothèse qu’il puisse s’accomplir un jour, ne serait-ce que pour atteindre ses limites ultimes, le néant”. On songe dès lors à un tragique inédit, qui aurait l’aspect et la structure d’un Rubik’s Cube : des fragments de surfaces colorées tournent, pivotent, se recomposent, entrent dans un nombre vertigineux de combinaisons – sans jamais cesser de reconstituer le même volume. Mais à la différence du cube de Rubik, le carré de Dimitriadis n’aurait pas de solution et serait plutôt une figure de l’éternel retour." Extrait du dossier de presse.