Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Divan Fumoir Bohémien
Le Divan Fumoir Bohémien
Publicité
Archives
Le Divan Fumoir Bohémien
Newsletter
25 mars 2009

Les effets du marin


tenuesortiehomme_quipage_second_empire_conservatoirecommisstoul_red

Tenue de sortie d'un marin du Second empire. Conservatoire du commissariat de la marine, Toulon.





L'exposition que le musée de la marine consacre à l'influence du vestiaire marin sur la mode, Les marins font la mode, avant tout illustrative, laisse  sur sa faim. Certes, tous les éléments du déplacement massif de la garde-robe militaire à la garde-robe civile sont là :  le costume marin enfantin, le costume de bain, l'usage du jersey, l'essor des thèmes marins dans la mode.  Mais ils  restent juxtaposés en l'absence  d'explications historiques que deux pages du livre de Michel Pastoureau sur l'histoire des rayures, L'étoffe du diable,  suffisent à exposer. On sent que les organisateurs ne se remettent pas tout à fait d'avoir évoqué furtivement l'icône homosexuelle qu'est devenu le matelot et que l'idée de faire entrer des robes de couturiers (largement inspirée du Sailor Chic du National Maritime Museum de Greenwich) constitue à leurs yeux un exploit à part entière. Ils n'ont, semble-t-il, pas osé développer la partie consacrée aux uniformes  eux-mêmes de peur  d'apparaître trop rigidement attachés aux militaria. Pourtant, l'apparition du tricot rayé et les raisons de son émergence ou  la fixation des caractères communs aux uniformes des diverses marines nationales semblent constituer un préalable indispensable.  On aurait également aimé en savoir plus sur la progressive codification des tenues, leur uniformisation précisément (sous l'Ancien régime, les hommes de bord apportaient leurs hardes et n'étaient tenus qu'à la propreté de leurs effets personnels). Enfin, très peu de modèles sont présentés alors que les uniformes historiques et leurs superbes détails de couture -   les nouettes des vareuses des tenues de matelot du Second empire ou le col des redingotes de capitaine de frégate du début du XXe siècle entre autres  - sont totalement méconnus et auraient de quoi passionner tous les amateurs et les professionnels de la mode dans un effet de retour aux sources.

Ce qui m' a aimantée dans cette exposition, de manière périphérique à son thème, c'est la vitrine consacrée au  contenu d'un sac de marin. Au début, on ne saisit même pas de quoi il s'agit : des carrés numérotés étalés comme  des cartes sur une table de jeu. Il faut lire la légende pour comprendre qu'il s'agit des différentes composantes réglementaires, dûment matriculées et marquées par des rubans nominatifs, de la tenue d'un marin. Les effets sont pliés en carré de 25 sur 25, écrasés  sous le poids du fer à repasser pour prendre le moins de place possible dans un milieu de vie, le bateau, caractérisé par la pénurie d'espace.








sac1929

Plan de rangement et composition des effets réglementaires issus du

Manuel des recrues des équipages de la flotte pour 1929.

sac1929composition

sac1929composition_suite



Là, on saisit concrètement qu'il était presque impossible de glisser dans ce sac des possessions personnelles et que l'homme d'équipage, vivant toute la journée avec un uniforme sur le dos et partageant avec d'autres  son lieu de couchage, ne disposait  quasiment  d'aucun espace privé, ne serait-ce qu'à l'intérieur d'une poche de toile écrue.

 

Dans ces conditions, la peau ne constituait-elle pas le dernier espace personnel de l'homme embarqué, l'ultime frontière entre lui et les autres ?  Le tatouage, si répandu chez les marins,  était sans doute la meilleure façon de rapporter des souvenirs des terres lointaines et de marquer son territoire intime.



Étrange jeu de dépouillement où l'identité du marin s'exprime finalement davantage dans la nudité  que dans l'habit.






tatouage_jeromepierratred

Photo anonyme de marin tatoué d'un tricot, coll. Jérôme Pierrat.








Les marins font la mode.

Au musée de la marine, jusqu'au 26 juillet.


Publicité
Publicité
Commentaires
L
Tout ce que montre Florizelle donne envie d'aller voir plus loin. Il y a en Province des petits trésors au fond des vieux musées. Une façon certes vieillotte de voir les choses, mais avec de belles surprises.
D
Je ne suis pas encore allée voir cette expo, mais je sais que je peux me fier à ton jugement, souvent très proche de mes goûts. <br /> C'est vrai que lorsque l'on pense (ou que je pense) à l'image actuelle du marin, c'est l'archétype homosexuel que j'attends aussi de voir, en plus de la partie ancienne, historique, officielle et haute couture. <br /> Le personnage du marin dans les Demoiselle de Rochefort en est pour moi une des images importante, même si ce personnage-là n'est pas sensé préférer les hommes dans le film ;-)<br /> <br /> Pour répondre à cette homonyme, commissionnaire de l'exposition, cela m'étonne beaucoup que si peu de pièces- comme elle le dit- soient parvenues au musée. Un appel à dons n'aurait-il pas pu aboutir?... Mais j'imagine que ce n'est pas "mes oignons", et je laisse aux autres le soin de faire leur boulot.
B
Chère Delphine et commissaire, ce blog est lieu d'expression libre, nous apprécions particulièrement les choix, les partis-pris et la liberté de ton de Florizelle, par pitié ne lui coupez pas les ailes et rassurez-vous, son billet donne très envie d'aller voir votre exposition!
L
La Marine m'inspire peu, même si je trouve le paquetage des marins incroyable (et irréalisable pour la désordonnée que je suis), mais j'avoue que l'expo à Moulins signalée par Happycultrice est tout à fait alléchante : Au fil des fleurs, scènes de jardin...
D
Bonjour, je suis une des commissaires de cette exposition. Je souhaitais juste vous apporter quelques précisions concernant cet évènement. Nous avons commencé à élaborer cette expo en novembre 2006. Nous n'avons été informés de l'expo "Sailor chic" à Londres qu'au printemps 2007. Cette dernière se déroulait dans un espace très réduit comparé à notre surface de 1000m². De cette expo seules deux tenues ont été retenues : le caban Saint Laurent (indispensable), une tenue Gaultier. L'expo à Londres abordait également la mode "pirate" que nous avons volontairement écarté. Nous n'avons jamais oscillé entre montrer trop ou pas assez d'uniformes : l'évidence est que très peu de pièces d'hommes d'équipage sont parvenues jusqu'à nos jours. La tenue que vous présentez sur votre blog est la seule complète connue à ce jour. Quoiqu'il en soit vos critiques sont intéressantes car on sent dans vos propos que vous vous êtes documentés ou que vous avez suivi une conférence. Je reste à votre disposition pour des informations supplémentaires
Publicité