Haute lice
Une petite fille, les yeux baissés, l'air exaspéré, pose maladroitement ses mains, pouces écartés, sur le bas de sa robe à la mode des années 10. Elle se tient dans le jardin de la maison de ses parents, à Choisy-le-Roi, là où ils restaurent des tapisseries anciennes. Un peu plus tard, elle devra les aider à refaire les bordures et à fabriquer, fil à fil, des feuilles de vigne pour masquer ce qu'un public de riches américains puritains ne saurait voir.
Encore plus tard, Louise Joséphine tient à nouveau des morceaux de tapisserie entre ses doigts, rugueux, poreux. Elle a quatre vingt dix ans. Elle les assemble, les coud grossièrement bord à bord, les remplit de matière pour en faire des cubes qu'elle empile à la manière d'un jeu d'enfant.
D'autres sont disséminés dans des petites cages grillagées qui ressemblent aux vestiaires de son lycée : Cells. Posés en lambeaux sur un fauteuil au centre d'une cage en spirale d'où pendent un flacon vide de Shalimar, une montre à gousset brisée, deux médaillons sans photos. Une araignée géante, Spider, les surplombe.
Ils sont également tendus sur une paroi métallique ou montés en coussins dans une autre cellule, tout en longueur, avec des redents qui permettent de voir de l'extérieur, dans des perspectives changeantes, les multiples objets qui sont à l'intérieur ( faux poignets, oreilles de lapin, miroirs, petit cheval, taureau, prothèse, pieds montés sur des tiges métalliques, chaises suspendues, globes de verre, chaise électrique, ossements, aiguilles, petite araignée, lit, nid de guêpes ) : Passage dangereux.
"Il faut abandonner son passé tous les jours , ou bien l'accepter. Si on n'y arrive pas, on devient sculpteur". C'est, vous le devinez, ce que la petite Louise Joséphine Bourgeois est devenue.
Jusqu'au 2 juin 2008 au Centre Pompidou