Quand elle devient conservateur du musée des beaux-arts de Cambrai en 2001, Véronique Burnod a rapidement l'idée de construire une exposition autour du portrait d'odalisque peint par Ingres, qui compte parmi les trésors de ses collections et dont la figure occupe un point central dans l'œuvre du peintre.
"Fantasmes d'Ingres - variations autour de la Grande Odalisque" s'organise : des accords de prêt sont passés avec des musées français et étrangers. La Grande Odalisque en grisaille du Metropolitan de New York traversera l'Atlantique.
Le tableau du Louvre ne quittera pas l'enceinte du musée parisien, bien sûr.
Mais un trouble naît de ce qu'elle perçoit comme un manque : derrière la Grande Odalisque flotte l'ombre de sa soeur aînée, la Dormeuse de Naples. Acquise en novembre 1809 par Joachim Murat, roi de Naples, elle représentait une jeune occidentale allongée sur le dos. La Grande Odalisque fut commandée à Ingres six ans plus tard par Caroline Murat pour faire pendant à la Dormeuse : l'Orient et l'Occident, rideau bleu, rideau rouge, une brune, une blonde. Mais au mois de mai 1815, le régime chute, les Murat fuient le palais de Capodimonte, n'emportant que peu de choses. La Dormeuse disparaît, au grand désespoir de son créateur, en même temps que le portrait de la famille royale. Depuis près de deux siècles, la quête de la belle endormie se poursuit de par le monde. Elle est devenue une légende.
Et Véronique Burnod se met en tête de la retrouver, elle nourrit une véritable obsession, alimentée par une énergie sans pareille. Elle monte une expédition à Naples, accompagnée de Georges Vigne, spécialiste du peintre. L'Institut culturel sera son QG, la presse son alliée. Une conférence s'organise pour amener les journalistes à lancer un avis de recherche, image à l'appui : un dessin qu'Ingres réalisa lorsqu'il tenta en vain de retrouver la toile.
L'opération ne donne pas grand chose. Véronique Burnod décide juste avant de quitter la ville de faire un tour au musée de Capodimonte, là même où la Dormeuse fut accrochée. Loin du XIXe siècle, elle parcourt les salles consacrées au trecento jusqu'au seicento. Stupeur, La Dormeuse est sous ses yeux. Vertige momentané, ce n'est qu'une toile de Luca Giordano, grand représentant de la peinture baroque napolitaine.
Mais son esprit analytique reprend le dessus : Venere dormiente con cupido e satiro, est-il écrit sur le cartel. Grossière erreur, d'après elle, Cupidon ne saurait diriger sa flèche contre le coeur de sa propre mère, il s'agit plutôt d'une bacchante. Elle continue son examen : le dessin gauche du corps ne saurait être non plus de Giordano. Et la conviction germe en elle que La Dormeuse est bien là, cachée et dix-septiémisée. Trop évidente pour qu'on la trouve, comme la Lettre volée.
Pour savoir pourquoi et comment elle a été ainsi maquillée, pour connaître les rocambolesques développements de cette enquête, pour découvrir les trésors d'ingéniosité déployés par notre héroïne afin de lutter contre ses ennemis et asseoir sa thèse, lisez donc Le tableau disparu, à la recherche de La Dormeuse de Naples de Jean-Auguste-Dominique Ingres, publié à La fosse aux ours.