Jacques Hondelatte, architecte du merveilleux
A l'occasion de la publication des deux volumes d' Extra-Muros, architectures de l'enchantement, de Patrice Goulet et Brigitte Borsdorf ( Cité de l'architecture et du patrimoine/Editions Archibooks), mon attention a été attirée par les réalisations de l'architecte Jacques Hondelatte, mort en 2002, marquées par une imagination jubilatoire. Il est en particulier le père, avec le groupe Epinard Bleu, de la notion d' " objets mythogènes " destinés à peupler des lieux aussi divers qu'une mairie, une station thermale ou des logements collectifs. Parmi sa trentaine d'oeuvres, en voici deux spécialement réjouissantes.
L'appartement Cotlenko ou une caverne d'Ali Baba moderne
Rien ne distingue ce petit immeuble du quartier des Chartrons à Bordeaux. Pourtant, dès qu’on pénètre dans l’appartement du premier étage, la surprise est grande. A gauche, on trouve un grand salon typiquement néo-baroque XIXème, aux murs et aux plafonds moulurés avec cheminée de marbre, et, à droite, une sorte de jardin d’hiver (une ancienne cour couverte) au plafond des années 30, baigné d’une lumière égale et merveilleuse. Cette enfilade d’espaces - le salon bourgeois, le hall d’entrée exotique, le jardin d’hiver- aboutissent sans prévenir à un grand et très simple volume caractérisé par la présence d’objets inattendus qui semblent avoir atterri là comme par hasard, mais néanmoins avec précision et exactitude. Là, un long plan de travail qui s’écarte du mur auquel il s’adosse ; ici, une cage de verre qui perfore sol et plafond dont on comprend immédiatement qu’elle renferme l’ascenseur qui relie comme une broche tous les étages dont elle révèle la présence. Là encore, un volume biseauté jaillit du rez-de-chaussée pour mieux y conduire. Il contient un escalier qui, d’un trait, descend vers un espace dont on ne sait s’il s’agit d’une cave (mais il y a trop de lumière) ou du vrai niveau du sol (mais alors, pourquoi la pièce du haut donne-t-elle sur un jardin) ? Dans l’ascenseur, trois boutons indiquent les étages qu’il dessert : 22, 45, 67. Ainsi quand on le prend pour gagner ce qui n’est, bien entendu, que le rez-de-chaussée ou le second étage, on peut s’imaginer grimper au ciel comme dans un gratte-ciel ! Toute l’architecture de Jacques Hondelatte est dans cet artifice. Changer ces chiffres ne coûtait rien, mais l’effet était foudroyant : ainsi, les actes les plus insignifiants peuvent-ils introduire le “ merveilleux ”.
Cet appartement est magique comme une caverne d’Ali-Baba où se télescoperaient styles et périodes. Cas rare, ce n’est pas seulement l’espace qui est étonnant, mais aussi les objets qui ont trouvé ici leur place, sculptures, tissus, vanneries venus d’Afrique et d’Extrême-Orient, choisis avec un goût très sûr par le propriétaire.
Une visite plus approfondie conduit au rez-de-chaussée, auparavant un chai, qui joue, aujourd’hui, parfaitement son rôle de coulisses, transformé et rendu habitable par quelques micro-interventions, alors que subsiste l’impression que rien n’a changé.
Les murs n’ont pas perdu leur tanin simplement fixé par une couche de vernis mat, de grandes plaques de métal y introduisent des lueurs inattendues (elles cachent des locaux techniques et guident vers l’ascenseur dont la cage, en verre, attrape la lumière de l’étage supérieur). La lame de l’escalier, sans contremarche, laisse apercevoir le jardin bas créé
par la démolition d’une section de la dalle soutenant le jardin suspendu qui prolonge le séjour.
L’état des lieux après travaux est si naturel que personne n’imagine une seconde qu’il a fallu tailler dans la masse pour
mettre à nu ce diamant. Il faut remonter le temps pour comprendre ce qu’Hondelatte a réussi ici, se souvenir des lieux tels
qu’ils existaient, sombres et clos, pour apprécier son habileté. Sans la faille taillée dans la dalle de béton qui avait
remplacé la toiture du chais, le rez-de-chaussée seraittoujours une cave ; sans la démolition des cloisons côté cour, jamais le soleil n’aurait illuminé l’enfilade des pièces.
in Extra-muros n°003. Institut Français d'Architecture. Exposition « La caverne d’Ali-Baba », Institut Français de Düsseldorf.
Les dragons de Niort
Christian Goubet
A Niort, en 1992, pour empêcher les voitures de stationner dans le centre-ville commerçant, il imagine quatre dragons dont la queue serpente sous l'asphalte.