Où les entrants grattaient la boue de leurs semelles
Après Singuliers regards (CFC, 2000), consacré aux regards de chaussée, et Puits, cachettes et passages (Ed. Syllepse, 2002), le poète Werner Lambersy et le plasticien Didier Serplet continuent leur quête urbaine dans Gratte-pieds de Bruxelles, paru récemment chez les excellentes éditions belges CFC .
Brûle-parfums,
bénitiers, troncs d'offrande publics, emblèmes de sectes, abreuvoirs
pour oiseaux, pièges, niches pour rats, lampes de trottoir, le
mystère s'épaissit au fil de belles pages oblongues où sont portés à notre
hauteur ces trous de façades, que d'autres auraient laissés
inaperçus. Voilà une manière enthousiasmante de " secouer la
poussière du vieux manteau de cette habitude que nous avons de
traverser la vie comme les villes sans rien voir de ce qu'on vient
pourtant de regarder". Un hommage secret à Ruavista. Une vision digne du héros du court roman de Walter de La Mare, A première vue, qui,
affigé de naissance d'un mal qui l'empêche de lever les yeux, se voit
condamné à observer le monde réduit à moins de son tiers inférieur.
" Le gratte-pieds interdit muré comme une crypte un sanctuaire une grotte ou la chambre mortuaire d'un pharaon et sur l'enduit perpétuant la tradition des pierres de rêves des miniatures orientales et des paysages perdus au fond des scènes bibliques d'un primitif flamand ou florentin un rivage mystérieusement apparu où l'on semble aborder non sans risque d'orage ou de tempête sur l'île des morts d'un Böcklin.
Petite machinerie théâtrale du temps qui inscrit
son passage dans l'art baroque des lèpres et de la
pourriture pariétale.
Il faut pour s'en convaincre une âme de flaneur de promeneur
sans but qui donne aux rues l'attention nécessaire
à la lecture des signes voulus ou non laissés au
pied de l'ambitieuse architecture des villes"